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La grosse question est une fois encore posée : le Père Noël existe-t-il vraiment ?

Si c'est mon garçon qui me pose la question, la réponse est "Oui", évidemment.

Maintenant, si je me pose la question à moi-même, c'est parfois moins évident.
Surtout si la question prend une tournure professionnelle.
Particulièrement pour quelqu'un qui a décidé d'axer la stratégie de son entreprise sur les Workflows(1) pour l'industrie graphique...
Ai-je bien fait ?
Ou est-ce une coquille vide, bonne à rester sur les étagères (ou dans la cave) des constructeurs de presses, dans l'unique but de se différencier de la concurrence et d'avoir quelque chose de "pas trop plan-plan" à dire lors des rendez-vous en clientèle ?
Est-ce rentable en tant que tel ? Vais-je pouvoir payer mon collaborateur et mes sous-traitants ?
Ou est-ce "rentable" uniquement si c'est noyé dans la confortable marge d'une presse numérique ?

On a parfois besoin d'une petite voix pour se convaincre d'avoir fait le bon choix.
Une petite voix (ou une grosse voix) qui dirait "Alors, les enfants, avez-vous bien travaillé cette année ? Avez-vous été sages ? Où est le sapin ? Où sont vos chaussons ?"

Cette voix, je crois l'avoir trouvée et, altruiste, je voudrais la partager avec vous, cher lecteur / chère lectrice.
Le physique y est presque : à défaut d'un manteau rouge et d'une grosse barbe blanche, on a déjà droit à une belle paire de moustaches :
David Zwang répondant à INKISH TV... Ce sont celles de David Zwang. Son entretien avec INKISH TV - une télévision internet dédiée au monde de l'imprimerie, a été un rayon de soleil dans un hiver nordiste un peu brumeux...

Guillaume Besnier - Co-fondateur et Associé - west-digital.fr

Mais qui est donc David Zwang ?

Je suis dans cette activité (l'imprimerie) depuis presque 40 ans. J'ai commencé comme photographe, puis j'ai évolué vers le prépresse quelques années après, parce qu'on m'a dit que ça payait mieux. C'était au début des années 70 et je me suis dit "allez, c'est parti !"

C'était vrai ?

À l'époque, oui ! Qui sait... peut-être serais-je devenu un autre Richard Avedon ou quelque chose comme ça (si j'étais resté photographe).

Ensuite, j'ai lancé une imprimerie. Que j'ai revendue. Puis j'ai lancé une entreprise de prépresse numérique, avec plein d'équipements Scitex (en). Puis, c'est devenu l'ère de l'infographie, où une seule station de travail a pu avantageusement remplacer plein de petits et de gros ordinateurs. J'ai fait ça pendant un certain nombre d'années, et aussi du développement logiciel. Nous avons développé le protocole TruMatch (en) et diverses autres applications.

A un moment donné, nous avons vu les marges commencer à se réduire ; j'ai donc vendu mon entreprise de prépresse à une autre société ; idem pour la société de développement de logiciels. Et je me suis focalisé sur la consultance, qui m'occupe encore aujourd'hui.

Hé bien, vous venez de nous résumer 40 ans de vie en quelques secondes !

Oui, je suis consultant depuis le début des années 90. En gros, pour tout le marché vertical de l'impression et de la publication. C'est lorsque j'ai commencé à travailler dans le numérique que j'ai vraiment compris l'importance des Workflows. Tirer le meilleur parti des technologies numériques. Faut-il simplement se contenter de leur faire répéter des tâches manuelles ? Ou peut-on les pousser dans leurs derniers retranchements, pour améliorer les choses ?

Les imprimeurs ont-ils aujourd'hui compris les Workflows ?

Je pense que les Workflows numériques - et les Workflows en général - sont de grands incompris. C'est un domaine mal compris. C'est un domaine déconcertant pour les prestataires du monde de l'imprimerie. C'est déconcertant pour de nombreuses raisons.

Tout d'abord, parce que c'est devenu un terme marketing, plutôt qu'un terme technique. De ce fait, les gens se disent "oh ! ça c'est la boîte qui contrôle ma presse... donc ça doit être mon Workflow, n'est-ce pas ??". Et par extension, "J'ai plusieurs machines, j'ai une boîte devant chacune d'entre elles ; ça veut dire que j'ai plein de Workflows différents ??" Je suppose que c'est le cas, mais ça ne doit pas être très efficace...

Ce que j'essaie de faire, lorsque je travaille sur des Workflows avec des clients, c'est d'abord et avant tout de faire comprendre que le Workflow n'est pas le frontal de communication (2). Le Workflow nourrit le frontal de communication. Mais si vous regardez bien le Workflow, vous voyez que c'est le point de connexion de tous ces différents processus, et que vous pouvez tirer parti de leur unification, plutôt que de leurs individualités. Et je pense que c'est vraiment là où doivent être les Workflows.

Maintenant, du fait que je ne vends pas vraiment de produit, je m'assois et je discute avec les gens, je griffonne deux ou trois dessins et... ils percutent tout de suite !

Il reste encore beaucoup de petites structures dans l'imprimerie. Pensez-vous que les Workflows vont les aider à survivre ?

"J'aime bien" (3) ces sociétés qui ont des Workflows (à leur portefeuille) et qui vendent des équipements. Mais la plupart des Workflows qu'ils ont développés et tenté d'implémenter, et que j'appelle des Workflows "pousse-machines", des Workflows qui ne supportent que les machines qu'ils vendent - et c'est pour ça qu'ils les ont faits ; ils ne font pas beaucoup de chiffre avec ces Workflows, ni avec les logiciels en général ; ils peuvent faire du chiffre sur les développements spécifiques, bien sûr.

Au contraire, les gens qui sont plus agnostiques avec les Workflows, sont ceux qui ne vendent pas une machine avec. OK, ils ont un Workflow à vendre, ils ont un truc pour connecter ensemble tous les éléments que j'ai cités plus tôt. Je pense que ces gens là sont dans une position plus confortable. Attention, ça ne veut pas dire que les constructeurs ne sont pas capables de vendre du Workflow, ou qu'ils n'en vendent pas ; ils en vendent ! Mais dans ce cas, ils vivent souvent leur vie dans leur coin, en faisant du silotage.

Donc, les imprimeurs font face à tout un tas de petites choses en amont de leurs presses, mais ne savent pas vraiment comment les faire coopérer de manière efficace ?

D'abord, certains (imprimeurs) n'ont pas forcément le temps de se pencher sur le sujet. Souvent, ils ont la ressource (humaine) mais c'est parfois "le gendre" : on sait qu'il est là, mais... c'est tout : il est là. (4)

Donc, si un imprimeur veut faire plus de chiffre, il doit investir dans un Workflow et c'est tout ?

J'aime vraiment les machines. C'est excitant d'aller acheter une machine : ça sent bon la voiture neuve, il y a plein de loupiotes et de boutons, c'est génial. Le logiciel, par contre, c'est vraiment là où se trouve la valeur ajoutée au dessus du matériel. C'est grâce à lui que vous obtiendrez l'efficacité que - peut-être - le vendeur de machines vous avait laissé entrevoir : vous ne l'aurez que si vous avez un bon Workflow. Il faut prendre du recul et mettre en place un Workflow qui sera bénéfique à toute l'entreprise.

Alors, selon vous, chaque imprimerie devrait réfléchir à avoir un Workflow ?

Chaque imprimeur devrait se poser un instant et réfléchir à un Workflow. Il devrait mettre en place un Workflow non pas uniquement pour les besoins d'aujourd'hui, mais aussi et surtout pour ceux de demain. Au fur et à mesure de l'arrivée de nouveaux équipements, avec un Workflow assez ouvert, il sera possible de les relier, sans avoir à déployer trop d'efforts.

Au delà des Workflows, je vois que beaucoup d'imprimeurs essaient d'évoluer vers des marchés verticaux. Vous savez : celui qui était imprimeur de labeur veut aller vers la PLV ; ou celui qui faisait du transactionnel veut aller vers le marketing direct... Quand vous commencez à regarder toutes ces choses, vous devez vous assurer que, si vous décider de vous lancer dans une direction, le type de Workflow que vous avez permettra aussi d'aller dans une autre direction, et vous aidera pendant votre croissance.

La question à 100 balles, maintenant : par quoi les imprimeurs doivent-il commencer ?

D'abord et avant tout : exprimer leurs besoins, parler. Comprendre la valeur ajoutée qu'ils recherchent. Parler à des confrères, particulièrement ceux qui se sont déjà lancés : "Ah, vous faites ça ? Et comment faites-vous ? Quelqu'un vous a-t-il aidé ?".

Comment et où les imprimeurs peuvent-ils partager de l'info ? Et comprendre comment font les autres ? Existe-t-il une plateforme pour cela ?

Je crois que rien n'a changé depuis 40 ans : il y a toujours cette croyance dans l'industrie graphique, selon laquelle vous réussissez uniquement si vous avez la bonne potion magique. Vous êtes celui qui sait le mieux comment faire, et c'est pourquoi vous seul y arrivez. Et évidemment, si vous discutez avec d'autres imprimeurs, beaucoup ne voudront pas partager la recette de leur potion. Ces dernières années, il y a eu plusieurs tentatives de faire se réunir les utilisateurs au sein de groupes - tel que celui de Scitex il y a des années. Il y a aussi ces événements organisés par les constructeurs, tels que GraphExpo - ou "Print", comme ça s'appelle désormais. Il y a des présentations, à l'occasion desquelles les gens devraient être capables de discuter. Mais tout ça, c'est de la distraction : vous allez dans un endroit où il y a plein de trucs qui brillent, mais c'est juste pour s'assoir et se détendre, et le déjeuner est offert ! Lorsque nous avions Seybold - ce qui nous renvoie dans les années 90 - nous essayions de nous concentrer sur le dialogue ; ce n'était pas qu'une occasion de vendre des machines ou des logiciels ; non : le but était d'échanger des infos, interactivement.

Donc, c'était comme une sorte de valse à trois temps entre les fournisseurs et les imprimeurs, afin mieux comprendre le marché ?

Oui. Mais mieux que ça, c'était aussi l'occasion de discussions entre imprimeurs. Parce que c'est comme ça que l'on apprend des choses. Bien sûr, vous pouvez aussi lire de bons articles. Moi-même, j'écris plein d'articles et je produis des vidéos et nous essayons d'utiliser tout cela comme un moyen d'éduquer les gens. Parce qu'aujourd'hui, il y a plétore d'informations, mais personne n'a le temps de se poser et de vraiment digérer toute cela, ou même de trouver tout cela, car (c'est noyé) au milieu de trop de choses.

Aujourd'hui, les imprimeurs n'ont pas le temps de se pencher sur les Workflows ; mais l'ironie c'est que, s'ils avaient un Workflow, cela leur dégagerait justement ce temps dont ils manquent tellement !

Aucun doute : les gens n'ont plus cette bande passante (5). C'est ce que je disais juste avant : vous pouvez avoir la compétence en interne mais vous avez en fait besoin de deux choses si vous voulez "réinventer les Workflows" : vous avez besoin des compétences et vous avez besoin de la bande passante. Certains (imprimeurs) ont les compétences mais souvent, ces compétences ne sont pas sur le front ; et on leur dit "tu as les compétences, je veux que ce soit toi qui mettent en place le Workflow ; mais en même temps je veux que tu sois sur le front". Ca ne marchera pas comme ça !

Et le retour sur investissement ??

Ce que j'ai découvert au fil des années c'est que le retour sur investissement sur les logiciels de Workflow est bien plus important et bien plus rapide que sur les machines. J'ai participé à des implémentations très complètes de logiciels de Workflow pour lesquels le retour sur investissement a été réalisé au bout de... trois à quatre mois ! Quel type de machine pouvez-vous acheter, qui vous rapporte ça ??

Donc, vous nous dites que même si l'on n'a pas le temps (d'étudier) l'investissement dans un Workflow, on devrait le faire, uniquement pour une raison financière ?

Absolument ! Si vous avez les compétences mais pas la bande passante, ou pas de compétence en interne, embauchez quelqu'un pour le faire, ou faites appel à un externe. Parce que, même avec ce surcoût, vous aurez votre retour sur investissement. Mais ne lachez pas le contrôle de ce qui va être fait. Car vous auriez alors à y survivre sur le long terme. A un moment donné, donnez la responsabilité à quelqu'un de votre équipe d'apprendre et d'aider à implémenter. Ce n'est pas comme si vous alliez en formation et qu'ils vous donnent un diplôme que vous pourrez épingler au mur. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Ça doit faire partie de la culture (de l'entreprise). Ce n'est pas une chose sur laquelle une seule personne s'investit : toute l'entreprise doit s'y mettre ! Et si vous arrivez à cela, vous gagnerez ! Ça ne fait aucun doute !

(c) INKISH 2018

(1) Dans cette contribution, j'ai décidé d'utiliser le terme "Workflow" en lieu et place de "processus", afin que l'aspect "automatisation logicielle" soit omniprésent. Souhaitons que nos amis lecteurs / amies lectrices de la Belle Province soient compréhensifs !
(2) Le RIP, ou le DFE
(3) A en croire l'orientation de sa moustache, on a un doute...
(4) Ca sent le vécu...
(5) Ce temps disponible

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